L'Organisation
Commerce |
Il n'y a rien de concret contre les OGM hormis un a priori idéologique |
A lire la presse la petite paysannerie
serait devenue le fer de lance de la lutte contre le capitalisme mondialisé.
Pas n'importe quelle petite paysannerie, celle issue de mai 1968, de ceux
qui, étudiants, avaient dit "merde" à la société
et s'étaient établis sur le Larzac.
Les salariés que certains considéraient à l'époque comme embourgeoisés sont quand à eux restés dans leur entreprise à subir l'exploitation capitaliste. Il fallait bien que certains restent à produire des richesses, des vêtements, de l'énergie, des engrais, des machines agricoles...! Mais il est difficile de fuir définitivement la société, elle finit par vous rattraper, d'autant que le capitalisme a une fâcheuse tendance à s'étendre à toute la sphère de la société. Dans la guerre économique que se livrent l'Europe et les Etats Unis, ces derniers, prenant prétexte de l'embargo européen sur les viandes étasuniennes provenant d'animaux traités aux oestrogènes de synthèse, ont imposé des droits de douanes exorbitants à de nombreux produits européens dont le roquefort, produit final du lait des brebis élevées au Larzac. Pour combattre cette situation, nos agriculteurs ont fait de la lutte contre l' OMC leur cheval de bataille . Mais en partant en lutte ponctuelle justifiée, on élargit le problème de l' OMC à l'ensemble de la société, en affirmant que toutes les décisions de l' OMC. Ce n'est pas l' OMC qui est responsable de la politique antisociale du gouvernement Raffarin comme celle du gouvernement Jospin. Si certaines forces veulent utiliser l 'OMC pour accroître la déréglementation et élargir la zone d'intervention du capital, il est inexact d'affirmer que le monde est régi par l' OMC. Cette affirmation réduit le mouvement de lutte à faire de la figuration devant chaque réunion de l' OMC ou des chefs d'Etat et de gouvernement ou dans des forums "citoyens". Le seul moyen de peser sur les choix de l' OMC est de développer le mouvement de lutte contre la politique de chaque gouvernement de façon à obliger leur représentant à prendre d'autres décisions. La lutte sur la politique de l' OMC est intimement liée à la lutte contre la politique du capital dans chaque pays. le discours de José Bové n'est pas un discours anticapitaliste, même si certains s'évertuent à lui en donner cette coloration. Son adversaire n'est pas la politique du gouvernement, n'a t il pas demandé à Jean Pierre Raffarin l'organisation d'un débat sur l' OMC. La mise en avant de slogans généralistes, dépourvus de toutes propositions concrètes susceptibles de constituer des objectifs de luttes, ouvre la voie à des compromis acceptables avec les forces dominantes. A droite, les politiques l'ont très bien compris: "José Bové poses de vraies questions". La presse bourgeoise, peu encline à encourager le syndicalisme, est très complaisante à son égard. Le capitalisme est très récupérateur, tout ce qui n'est pas contestation fondamentale est récupéré, recyclé. Le fondamental, c'est le rapport salariat-employeur, c'est la rémunération et la gestion de la force de travail, dont dépendent les stratégies économiques. Cette lutte, la Confédération paysanne (qui est un syndicat de petits propriétaires terriens) ne peut la mener. Elle essaye d'utiliser le fort mouvement de lutte de juin pour ses propres objectifs; les négociations de l'OMC, en fixant elle même les dates et modalités des manifestations, les salariés et leurs organisations syndicales étant invités à se regrouper derrière ses initiatives. Cette vision directive et utilitariste du mouvement de lutte n'est pas celle de la CGT. Quel est en effet l'adversaire de la Confédération paysanne, quelle est sa stratégie. Peut on parler de syndicalisme, quand l'essentiel de l'action consiste à détruire un McDo et des cultures d'OGM? Les salariés ont toujours défendu leur outil de travail. C'est le capital qui ferme les entreprises quand il juge que le taux de profit est devenu insuffisant. L'enjeu du syndicalisme est de contester au capital ses choix économiques en orientant autrement les stratégies des entreprise en conjuguant création de valeurs et intérêt des salariés. Est ce que la lutte contre la politique commerciale des Etats Unis passe par le saccage d'un McDo et la mise au chômage de ses salariés? Si oui, il ne faut pas s'arrêter à celui de Millau! Le saccage n'était il pas tout simplement un moyen d'obliger McDo à s'approvisionner chez les producteurs locaux. Nous sommes loin du syndicalisme! Concernant les OGM. José Bové estime légitime de violer la loi puisqu'il le juge mauvais! Mais si chacun procède ainsi il n'y a plus d'Etat. C'est la légitimation des commandos anti IVG, des commandos anti vivisection; c'est la porte ouverte à tous les obscurantismes. Mais qui juge les OGM dangereux? ATTAC et ses composantes! Mais à partir de quelles données scientifiquement établies? Pas un travail scientifique, n'apporte un quelconque argument en faveur d'un effet nocif sur la biodiversité et la santé.Les deux ou trois pubications de 2001 qui allaient dans ce sens ont depuis été invalidées. Il n'y a rien de concret contre les OGM hormis un a priori idéologique. La science et la technologie sont rendus par certains responsable de tous nos maux (c'est l'idéologie développée par les Verts et la CFDT) pour d'autres la technologie est l'arme de la stratégie capitaliste (c'est l'idéologie d'ATTAC). Pour les uns comme pour les autres, les innovations technologiques doivent être combattues. Mais ce refus de la technologie qui est un refus d'affronter le monde réel avec ses enjeux est avant tout l'expression d'une conception essentiellement autarcique de l'économie basée sur l'autosuffisance. La petite paysannerie a historiquement été réticente dans sa majorité aux innovations technologiques par insuffisance de capital. José Bové, dont les méthodes sont celles de l'anarcho-syndicalisme - se qui explique l'engouement de SUD pour le rassemblement du Larzac - en est l'expression. Gilles MERCIER,
Chargé de recherche INSERM, militant CGT. |
|